La FNCCR (Fédération nationale des collectivité concédantes et régies) s’est dite satisfaite de cette nouvelle mouture du décret « conforme aux discussions que la Fédération a eues avec les ministères ces derniers mois ». Sans surprise, la mesure passe mal auprès de la FNSEA. Ce droit doit permettre « d’accélérer l’installation de pratiques agricoles favorables à la protection de la ressource en eau », sans remettre en cause la destination agricole des terrains préemptés », martèle le ministère de la Transition écologique. L’ensemble des 33.000 aires d’alimentation de captages « concernent moins de 8% de la surface agricole utile française et toutes ne sont pas concernées par ce type de mesures », relativise également de son côté la FNCCR.
Encadrement strict
Tout en se disant « bien consciente » de l’impact de la mesure, la FNCCR souligne en outre que le texte « prévoit un encadrement strict de son exercice, à la fois au stade de son instauration sur un territoire donné (qui devra être justifiée auprès du préfet, notamment en fournissant un bilan des études réalisées et des actions entreprises, accompagnées de leurs résultats) puis de sa mise en œuvre au cas par cas (appel à candidatures et énoncé des clauses environnementales pour toute cession ou location) ». En filigrane, c’est un aveu d’échec des programmes d’actions de lutte contre les nitrates en raison d’un manque de moyens à disposition des autorités locales et d’une absence d’engagement des acteurs agricoles sur certains territoires, explique-t-elle. Il s’agit donc d’un outil de dernier recours… « Ne nous y trompons pas », relève la FNCCR, « les collectivités et leurs groupements en charge de la fourniture d’eau potable à nos concitoyens, mais aussi aux entreprises, y compris nombre d’exploitations agricoles et d’établissements de transformation des produits agroalimentaires, n’envisagent pas les acquisitions foncières et la gestion ultérieure de baux ruraux et d’ORE [obligations réelles environnementales] de gaîté de cœur… ».
Obligations réelles environnementales en cas de cession du bien préempté
Les différentes étapes de la procédure de préemption proprement dite, s’inspirent largement des dispositions applicables aux autres droits de préemption, moyennant quelques adaptations. L’initiative, qui revient au bloc local (communes et leurs groupements), a été étendue aux syndicats mixtes et aux établissements publics locaux délégataires par la loi 3DS. La décision du préfet doit intervenir dans un délai de six mois à compter de la réception de la demande. Il est aussi prévu qu’il consulte au préalable les acteurs agricoles et les autres collectivités concernées pour avis simples (communes, EPCI compétents en urbanisme, chambres d’Agriculture, sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural – Safer – conseil départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques et les commissions locales de l’eau).
La principale évolution par rapport à la précédente version du texte porte toutefois sur les modalités de mise en œuvre des clauses environnementales pour l’exploitation des biens acquis, étant donné que ce volet est désormais précisé par la loi de manière à garantir la préservation de la ressource en eau. En cas de vente, un contrat portant obligations réelles environnementale (ORE) doit être conclu concomitamment par l’acquéreur avec le titulaire ou le délégataire du droit de préemption. Ces ORE devront garantir a minima la préservation de la ressource en eau. La location se fait via un bail rural à clauses environnementales.
Régime des bien acquis
Pour les céder ou les louer, la collectivité titulaire du droit de préemption devra procéder à un appel à candidatures précédé de l’affichage d’un avis à la mairie du lieu de situation de ce bien pendant au moins quinze jours. Cet avis décrit la désignation sommaire du bien, sa superficie totale, le nom de la commune, celui du lieudit ou la référence cadastrale et le cas échéant la mention de sa classification dans un document d’urbanisme, le délai dans lequel les candidatures doivent être présentées ainsi que les moyens d’obtenir des renseignements complémentaires. Surtout, l’avis énumère les ORE envisagées (cession) ou les clauses environnementales proposées (bail) pour assurer la préservation de la ressource en eau. En cas de cession, le prix envisagé doit en outre être mentionné. Le texte prévoit également la possibilité, pour la collectivité ayant acquis les biens, de les mettre à la disposition des Safer, dans le cadre de conventions. A condition, là encore, que celles-ci assurent « que l’usage agricole du bien sera maintenu ou rétabli, dans le respect de l’objectif de préservation de la ressource en eau », sur la base des clauses environnementales.
On notera enfin l’ajout d’un article R. 2224-5-4 au code général des collectivités territoriales qui permet de faire le lien entre ce nouveau dispositif et le rapport annuel sur la mise en œuvre du plan d’action pour restaurer la qualité de l’eau, autre outil issu de la loi Engament et Proximité. Ce rapport comportera, à cet effet, un état recensant, pour l’année concernée, les décisions de préemption intervenues (complétées des surfaces préemptées), les avis d’appel à candidatures ainsi que les décisions de cession, location et mise à disposition des biens acquis, complétées, selon les cas, des ORE et clauses environnementales retenues.