Dans un rapport paru le 30 juin, la Cour des comptes estime que les moyens mis en place sont sous-dimensionnés par rapport aux enjeux et aux objectifs que se fixe le gouvernement lui-même. Tant sur le soutien direct aux producteurs, que dans la communication auprès du grand public, la recherche ou encore la structuration de filière, la politique de soutien a échoué.

La Cour des comptes reconnaît la Bio comme le meilleur moyen de réussir la transition agroenvironnementale

C’est l’un des éléments notables du rapport, la Cour reconnaît les avantages pour l’environnement et la santé publique du mode d’agriculture biologique et sa légitimité à être fortement soutenue par les pouvoirs publics. Elle démontre ce que l’on savait déjà : depuis cinq ans le soutien public à la bio a été détricoté, ralentissant drastiquement la dynamique de conversion. La Cour affirme clairement la nécessité de bien mieux rémunérer l’agriculture biologique que les labels et certifications moins exigeants comme la HVE.

« Les attaques contre la Bio ont commencé dès 2017 avec la demande publiquement faite par une partie de la profession agricole de supprimer certaines aides à la Bio » commente Philippe Camburet, président de la FNAB. « Il n’est pas étonnant que cinq ans plus tard le marché et les filières soient dans cet état. Le monde agricole nous a lâché mais il n’est pas trop tard pour redresser la barre. »

Pour preuve, la décision de supprimer l’aide au maintien en 2017 «a contribué à freiner les conversions en 2020 et pourrait à l’avenir fragiliser les exploitations biologiques existantes». Cette disparition conduira en grandes cultures à un niveau d’aide «proche», avec 247 €/ha pour les bio, contre 235 €/ha pour les conventionnels.

Alors que les négociations se terminent sur le Plan stratégique national (PSN) sur la future PAC 2023-2027, la Cour des comptes estime enfin que «les moyens prévus par le MAA pour l’agriculture biologique apparaissent insuffisants», malgré un relèvement de l’enveloppe totale dédiée au bio à 340 M€. Car ce budget, rappellent les sages, doit non seulement être adapté à l’objectif ambitieux de 18% de SAU d’ici 2027, mais également comparé aux «coûts liés à la pollution des eaux par les produits phytosanitaires et par les nitrates, évalués entre 540 et 970 M€ par an».

Des arbitrages cruciaux sont encore à venir

Le nouveau gouvernement a encore la possibilité de limiter les dégâts causés par la politique menée depuis cinq ans. La future PAC sera dans tous les cas moins favorables aux agriculteurs biologiques que la précédente, avec une baisse des aides environnementales à l’hectare mais l’arbitrage à venir pourrait réduire drastiquement la perte.

La décision favorable du gouvernement de relever le crédit d’impôt bio à 4500 euros par an compensera en partie les pertes liées à la PAC, notamment pour les éleveurs et les petites surfaces. En revanche, pour les légumiers de plein champ et les céréaliers des régions comme l’Ile de France, la Normandie et les Hauts de France le crédit d’impôt ne suffira pas. Or ce sont ces filières que le ministère visait pour atteindre 18% de surfaces en bio en 2027.

« Notre demande d’un soutien à 145 euros par hectare et par an sur l’éco-régime n’a donc rien d’exagéré, c’est maintenant au gouvernement de garantir la pérennité de la Bio » conclut Philippe Camburet.

Un rapport qui divise les syndicats agricoles

«La Cour des comptes est à côté de la plaque sur le fond et sur la forme», tranche Étienne Gangneron, référent agriculture biologique à la FNSEA. Parmi les principales erreurs selon lui : la critique adressée à la HVE, qui «contribue à expliquer le ralentissement de la demande» en bio d’après les Sages. Alors que le rapport souligne que les effectifs des chambres régionales dédiées au bio ont baissé de 83 à 70 ETP entre 2015 et 2019.

«L’alerte de la Cour des comptes est forte sur le soutien aux producteurs», souligne de son côté Philippe Camburet, président de la Fnab (producteurs bio). Alors que le rapport recommande d’augmenter les aides au bio, son syndicat espère que le PSN permettra donc la création d’un véritable écorégime dédié à la bio, doté d’au moins 40 €/ha supplémentaires par rapport à la HVE. Une aide qui serait inférieure à l’hectare de 41% au cumul paiement vert – aide au maintien de la précédente programmation de la PAC, selon les estimations de la Fnab. Plus généralement, le rapport devra, selon Philippe Camburet, encourager «un regard plus global sur la bio», avec de nouveaux indicateurs au-delà de la surface nationale, comme des trajectoires détaillées pour chaque filière, ou pour l’aval.


Consulter le rapport entier ou la synthèse de 30 pages du rapport de la Cour des comptes.

Sur l’arbitrage favorable à la Bio dans la prochaine PAC, voir cet article.