Un certain nombre de producteurs biologiques français ont fait le constat d’une baisse des ventes de leurs produits en 2021. Les opposants à l’agriculture biologique en ont aussitôt profité pour pointer la fin du miracle biologique et les médias leur ont emboité le pas avec une vision assez catastrophiste de la situation.
Dans cette situation inédite, il est pourtant nécessaire de considérer les chiffres avec la plus grande prudence et de regarder l’évolution des ventes biologiques dans le détail.
Des ventes en baisse mais pas pour la vente directe
En effet, l’agence bio a communiqué le 2 juin des chiffres qui aident à y voir plus clair (conférence de presse du 2 juin) : il y a eu en 2021 une baisse de 2, 28% par rapport à 2020 de la consommation alimentaire globale des ménages en produits bio. Les grandes et moyennes surfaces (GMS) et grandes surfaces spécialisées ont vendu moins de bio (-3, 9%). Mais, toujours sur 2021, la vente directe de produits bio augmente de 7,9% par rapport à 2020. Enfin, l’agence bio compte 10,34% de SAU bio, avec une augmentation de 12% de terres certifiées par rapport à 2020.
Une « crise du bio » montée de toutes pièces : la bio résiste mieux
Autres chiffres fournis par Laure Verdeau, directrice de l’Agence Bio, dans cet article sur lemonde.fr : « nous avons perdu 68 millions d’euros sur 13 milliards en 2021, quand 5 milliards d’achats alimentaires ont disparu sur cette même période ». La directrice s’étonne d’avoir « entendu des voix annoncer la fin du bio ». « C’est surréaliste. »
L’agriculture bio n’a donc pas été épargné par la baisse des ventes en 2021 mais a pu montrer la résilience de son modèle puisque lorsque, selon l’INSEE, la consommation alimentaire des ménages a baissé de -2,28% (soit 4,5 milliards de moins sur un marché de 195 milliards), la Bio a enregistré une baisse de -1,34% (soit 68 millions d’euros de moins) avec un marché qui a atteint les 13 milliards d’euros et où la Bio conserve une part de marché de 6,63% dans les courses alimentaires des Français.
Un phénomène variable selon les régions et les filières
Pour autant, cette baisse des ventes est bien réelle mais très variable selon les filières et les régions. L’augmentation des ventes dans les circuits courts laisse penser que les régions avec des productions historiques bio sont moins touchées que les régions où l’essor a été plus récent. La présence de circuits de distribution biens implantés et d’une clientèle fidélisée depuis longtemps permet de mieux tenir face à cette baisse.
Quant aux filières, nous avons pu constater, dans les échanges du réseau, que ce sont les filières les plus intégrées et les plus récentes dans la bio qui connaissent des difficultés : c’est le cas de la filière laitière avec des volumes de lait bio qui sont partis vers le conventionnel, de la filière poule pondeuse avec une production bio supérieure à l’offre.
Il y aussi des inquiétudes sur le marché des céréales biologiques car beaucoup d’incertitudes pèsent sur les cours : guerre en Ukraine, prix du pétrole, inflation… Les prix payés aux producteurs conventionnels vont probablement fortement augmenté cette année, ce qui pourrait ralentir le rythme des conversions biologiques et même inciter certains producteurs à se déconvertir. Et pourtant, c’est le meilleur moment pour engager sa conversion car cela permet de profiter des prix élevés du conventionnel pendant la phase de conversion et d’ensuite bénéficier des prix plus stables du bio qui se maintiendront certainement face à des productions conventionnelles dont les prix vont chuter de nouveau, d’ici quelques années.
Des causes multiples et une grande distribution qui ne joue pas le jeu
Il est difficile de trouver une seule explication à ce recul des ventes biologiques en 2021 mais les causes sont à chercher autour de plusieurs phénomènes :
– une année de retour à la normale après une année 2020, où il y a eu une explosion des ventes de produits alimentaires biologiques et de qualité ;
– un retour vers des circuits de commercialisation plus pratiques : grande surfaces, drive, où l’offre biologique est moins diversifiée et moins intéressante économiquement
– marge plus élevée pratiquée par les distributeurs sur les productions biologiques par rapport aux productions conventionnelles ;
– un contexte économique difficile avec l’inflation, des pertes d’emploi post-confinement… Les foyers dans des situations économiques tendues anticipent les choix économiques qu’ils devront faire et utilisent l’alimentation comme variable d’ajustement, d’où un éloignement des productions alimentaires de qualité.
La bio montre toute sa pertinence dans les zones de turbulence
A Agribiodrôme, nous continuons de penser que l’agriculture biologique est la seule capable de relever les défis à venir pour le monde agricole : changements climatiques, renouvellement des générations et productions de qualité respectueuses de l’environnement.
Cette baisse des ventes en 2021 est donc un appel à mieux structurer nos filières et à promouvoir nos circuits courts pour une agriculture plus résiliente face à toutes les crises.